Fiche espèce
Statut de menace : vulnérable (VU)
Priorité nationale : modérée (4)
Caractéristiques :
- Grand lézard vigoureux
- Tête massive, surtout chez les mâles
- Coloration verte à jaune-verte
- Queue effilée, env. 2 fois plus longue que la tête et le tronc réunis
- Mâles: Gorge bleue vif, surtout en période de reproduction
- Femelles: Parfois 2 ou 4 lignes longitudinales ou rangées de taches claires sur le dos et les flancs
- Juvéniles: Uniformément bruns ou parfois gris
Confusions possibles:
Lézard agile (surtout ches les juvéniles)
Description
Le lézard vert, Lacerta bilineata, qui peut atteindre exceptionnellement 42 cm de longueur, est sans conteste le plus grand et le plus beau lézard de Suisse. La taille moyenne des adultes se situe entre 25 et 32 cm.
Le dimorphisme sexuel est généralement bien marqué. Les mâles sont plus robustes que les femelles, leur tête est plus forte, plus large et la gorge devient bleu vif à la saison des amours. Certaines femelles présentent parfois une gorge bleue, mais la coloration est moins spectaculaire. Chez les mâles, le dos est d’un vert émeraude brillant piquetée de jaune citron et de noir. La coloration des femelles est très variable. Certaines sont grises ponctuées de taches noires disposées symétriquement, d'autres sont vertes comme les mâles.
La face ventrale est jaune vif chez les mâles et plus pâle ou verdâtre chez les femelles. Chez les nouveaux-nés, les parties supérieures sont gris uni à brun clair, le cou et la mâchoire inférieure vert jaunâtre et les parties ventrales blanc sale. Lors de la deuxième année, deux lignes latérales claires apparaissent de chaque côté du corps. Ce caractère subsiste parfois chez les femelles adultes. Des individus mélaniques ont été observés en Suisse. Le poids des adultes oscille entre 20 et 45 grammes.
Mœurs
Vers la mi-mars, les premiers mâles sortent de leur léthargie et s'exposent au soleil. Ils sont suivis, une quinzaine de jours plus tard, par les femelles. Le lézard vert est diurne et sensible à la température qui détermine son rythme d'activité. Durant les périodes les plus chaudes, c'est le matin qu'il s'active, souvent avant le lézard des murailles. Avec un pic d'activité entre 9 et 11 h.
L'après-midi, l'activité est restreinte. Le lézard vert préfère se déplacer au sol, cependant il grimpe sur les branches basses des chênes, des pins ou autres buissons pour élever sa température interne si les conditions sont moins favorables. On observe quelquefois ces sauriens sur les pierres encore tièdes après le coucher du soleil. La température minimale tolérée est de 15 °C et l'optimum thermique atteint 32-33 °C. L'hivernage a lieu vers la mi-octobre. Les femelles regagnent leur refuge en premier, suivies des mâles et des jeunes.
Les lézards verts sont sédentaires et les mâles manifestent une intolérance territoriale marquée. Ils occupent un espace de 200 à 1'200 m2. En Valais, nous avons noté des densités de 45 individus adultes à l'hectare dans des conditions optimales, soit un domaine vital de 220 m2 par lézard. A deux ans, la plupart des Lézard verts est adulte. La période de reproduction s'étend d'avril à mi-juin. Les mâles se poursuivent bruyamment dans la végétation et les combats sont acharnés. Le vainqueur pourchasse le concurrent sur plusieurs dizaines de mètres. Il existe également une hiérarchie entre femelles. Les préliminaires d'accouplement sont ritualisés. Le mâle mord la femelle à la base de la queue, puis le flanc, et la maintient avec ses membres postérieurs. Un mâle peut féconder plusieurs femelles et celles-ci s'accouplent plusieurs fois avant chaque ovulation. Une femelle peut pondre 2 fois au cours de la saison. La première ponte a lieu généralement vers la fin mai et la seconde vers la fin juin.
Les oeufs, au nombre de 5 à 15, sont déposés dans un terrier peu profond creusé par la femelle dans un matériel meuble comme du sable, du limon ou du loess. Les pontes sont souvent déposées le soir ou même de nuit. L'incubation varie entre 50 et 100 jours, selon les conditions météorologiques et la température du substrat. A la naissance, les jeunes mesurent 3 à 4,5 cm et sont donc souvent des proies pour les adultes. La longévité de l'espèce est comprise entre 5 et 15 ans.
Le régime alimentaire du Lézard vert est très varié. Les arthropodes constituent cependant l'essentiel de la nourriture: coléoptères, orthoptères, chenilles glabres, cloportes, araignées. Ce lézard recherche aussi les mollusques à coquille mince et consomme parfois des baies mûres tombées au sol dont il lèche le jus. Il capture occasionnellement des lézards et des rongeurs nouveaux-nés. Il boit souvent et absorbe les gouttes de rosée sur les végétaux ou se rapproche de l'eau en période de sécheresse.
Les prédateurs du Lézard vert sont nombreux. En Valais, nous avons observé des Faucons crécerelles spécialisés dans sa capture et qui en rapportaient fréquemment au nid. Dans le canton de Genève et au Tessin, la Couleuvre verte et jaune chasse activement ce saurien. Les jeunes de la Vipère aspic dévorent des jeunes. Aux abords des agglomérations, c'est le chat domestique qui détruit le plus de lézards. La patience du chat vient à bout des individus les plus méfiants
Répartition
La limite septentrionale de répartition du lézard vert se situe à l'isotherme du 18 °C de moyenne au mois d'août. Il atteint les îles de la Manche au Nord, l'Espagne à l'Ouest et l'Asie mineure à l'Est. En Suisse, ce reptile très exigeant pour la température, ne se rencontre que dans les régions les plus chaudes: le Valais, le Tessin, les vallées méridionales des Grisons, Genève, et le Chablais vaudois. Au Nord des Alpes, il a disparu de la région bâloise, où il était autrefois établi.
Mesures de protection
En Valais et au Tessin, l'espèce n'est pas menacée dans son ensemble, car les réservoirs de populations sont nombreux et importants. Toutefois, des zones entières sont désertées dans les régions d'agriculture intensive. C'est entre l'étage collinéen et montagnard que les densités les plus élevées sont observées. Dans le canton de Genève et aux Grisons, les biotopes favorables sont peu nombreux et doivent faire l'objet d'une attention soutenue.
C'est dans le canton de Vaud que le Lézard vert est le plus menacé: dans le Chablais vaudois, les améliorations foncières dans le vignoble détruisent de nombreux milieux déjà morcelés. Sur l'adret lémanique, il y a lieu d'être pessimiste sur l'avenir du Lézard vert. Il n'y subsiste en effet que 2 ou 3 petites populations extrêmement isolées entre Montreux et Genève! Comme remarque générale, on peut affirmer que c'est dans les zones de vignobles que le Lézard vert est le plus menacé. C'est là que la protection de l'espèce entre en conflit avec l'agriculture.
On peut définir une série de mesures de protection pour assurer la survie de l'espèce ou pour améliorer son statut.
- Dans le vignoble, les améliorations foncières devraient tenir compte des besoins écologiques de l'espèce. Les travaux se dérouleront nécessairement sous la conduite d'un herpétologue compétent.
- Maintenir des zones-tampons en friche d'au moins 3 mètres autour des vignobles. Les lisières doivent comporter un ourlet et ne doivent pas s'arrêter brutalement en contact avec la zone cultivée
- Le débroussaillage des talus et des berges doit impérativement se faire en hiver avec une alternance bisannuelle ou trisannuelle de zones épargnées et entretenues
- Les talus de chemin de fer, de route agricole, les lisières et les berges représentent des liaisons essentielles entre les biotopes. Laisser les friches se développer sur les parties supérieures ou inférieures. Proposer aux administrations des aménagements de talus avec empierrements et végétation buissonnante indigène
- Le traitement des vignes par hélicoptère devrait être banni. Les petits milieux en mosaïque avec les parcelles cultivées ne sont pas épargnés et les chaînes alimentaires se dégradent
- Le nombre des chats errants autour des agglomérations doit être limité
- Dans tous les cas, le feu est à proscrire, car il détruit les invertébrés, proies indispensables aux lézards
- Les traitements chimiques devraient être parcimonieux dans les zones à forte densité
- Eviter que les milieux se referment dans les clairières ou dans les régions abandonnées par l'agriculture
- Informer les organismes viti-vinicoles du rôle tenu par cette espèce dans l'équilibre des chaînes trophiques.
Habitat
Contrairement au lézard des murailles, le lézard vert est dépendant d'une couverture végétale dense fréquemment associée à des empierrements naturels ou artificiels comme éboulis, affleurement rocheux ou murs en pierres sèches. En Valais, il existe une analogie frappante entre la répartition de plantes comme l'Argousier, le Bois de Sainte-Lucie ou encore, le Chiendent intermédiaire et celle du Lézard vert. Il préfère les versants buissonnants avec une proportion importante d'épineux, ce qui le met à l'abri de nombreux prédateurs. On le trouve également en lisière des chênaies pubescentes, des châtaigneraies et en périphérie des vignobles si ceux-ci sont entourés de friches. En Valais et au Tessin, on peut le rencontrer de la plaine à près de 1'800 m dans les vallées les plus chaudes.