Fiche espèce
Statut de menace : en danger (EN)
Priorité nationale : moyenne (3)
Caractéristiques :
- Allure élancée
- Tête faiblement distincte du cou, étroite et allongée
- Couleur de base gris clair à foncé ou brune, rarement vert olive
- Dos portant des taches foncées, souvent quadrangualaire (tesselles)
- Grands yeux proéminents, orienté vers le haut
- Grandes écailles sur la tête
- Ecailles labiales (lèvre supérieure) en contact avec l'oeil
- Juvéniles avec un tache en V très visible sur la nuque
Confusions possibles :
Couleuvre vipérine
Couleuvre à collier hélvetique
Couleuvre à collier nordique
Vipère aspic
Description
La couleuvre tessellée (Natrix tessellata) appartient, avec la couleuvre à collier (Natrix natrix) et la couleuvre vipérine (Natrix maura), au groupe des couleuvres aquatiques. On la reconnaît facilement à sa tête particulièrement anguleuse ainsi qu’à ses yeux dirigés vers le haut. Sa pupille ronde trahit en l’occurrence le fait qu’il s’agit d’un serpent non venimeux et totalement inoffensif.
Sa couleur de base varie fortement, pourtant les tons gris et beige prédominent. Toutefois, on rencontre aussi des individus rougeâtres, jaunâtres ou totalement noirs. Le dessin se compose de taches plus ou moins marquées, noires à brunes, qui ornent la partie la plus haute de son dos ainsi que ses flancs. Chez les individus les plus âgés surtout, ces taches en forme de dés peuvent toutefois être complètement absentes. Le ventre est en général tacheté, mais on observe aussi de temps en temps des individus sans taches ventrales.
Les juvéniles fraîchement sortis de l’œuf mesurent environ 14 à 24 cm. Après trois ans, ils ont atteint une taille d’à peu près 40 cm et sont matures sexuellement. Les femelles peuvent atteindre jusqu’à 1.3 m et sont la plupart du temps plus corpulentes que les mâles, dont la longueur varie autour des 70 cm. Les grands individus peuvent atteindre un âge étonnamment avancé. Dans la nature, la plus vieille couleuvre tessellée observée avait 26 ans !
Mœurs
La température ambiante détermine aussi bien l’activité annuelle que quotidienne de la couleuvre tessellée. La période de reproduction commence quelques jours après l’abandon des cachettes hivernales, c’est-à-dire dès le mois de mars. Il arrive souvent que plusieurs individus, jusqu’à plus d’une douzaine, se retrouvent au même endroit. Après l’accouplement, les femelles cherchent un endroit bien ensoleillé, protégé et tranquille, où s’exposer au soleil. Elles ne quittent pas cet endroit durant des semaines afin de laisser mûrir leurs œufs, qu’elles déposeront finalement en plein été dans des lieux choisis. En général, elles pondent une à deux douzaines d’oeufs, mais rarement plus de trente.
Ce sont le plus souvent toutes sortes de tas formés de matière végétale pourrissante qui servent de lieux de ponte. Les femelles sont plus particulièrement attirées par le fumier de cheval et par les vieux tas de compost. La ponte a également souvent lieu dans les ouvrages de consolidation des rives, où les œufs sont probablement déposés dans les fentes et interstices. A partir de fin août jusqu’à septembre, les jeunes sortent de l’œuf. Livrés à eux-mêmes dès le premier jour. Dans la période souvent brève avant le repos hivernal, ils doivent, comme leur mère, accumuler d’aussi grandes réserves de graisse que possible.
Son menu se compose presque exclusivement de poissons, qu’elle chasse avec adresse sous l’eau. Une très faible proportion de son régime se compose d’autres animaux et notamment d’amphibiens. La couleuvre tessellée est capable de rester en plongée assez longtemps. On la voit souvent au fond de l’eau, immobile entre des pierres, à guetter ses proies. Les proies d’une certaine dimension sont traînées sur la terre ferme et avalées sur place. Suit un copieux bain de soleil afin d’atteindre une température corporelle propice à la digestion. Lorsqu’il fait trop chaud, elle se retire pourtant à l’ombre de la végétation ou dans son repaire, où elle passe également les périodes de mauvais temps.
La couleuvre tessellée connaît différentes manières de se défendre : elle se gonfle, siffle fort ou se précipite en avant, la gueule fermée, feignant de mordre. Elle aplatit alors souvent la zone du cou – comme le cobra. Si elle se fait attraper, elle vide ses glandes malodorantes ou se barbouille de ses propres excréments. Elle est ainsi inconsommable pour la plupart de ses prédateurs. Si le danger persiste, elle fait parfois la morte, se tournant sur le dos et ouvrant la gueule en laissant pendre sa langue en dehors. Certains individus font même éclater de fins vaisseaux capillaires dans leur gueule. Le sang qui s’écoule ainsi imite parfaitement une blessure grave. La couleuvre tessellée ne se laisse pas entraîner à mordre, bien qu’on rapporte quelques rares cas de morsures.
Répartition
C’est au Sud et au Sud-Est , en Italie, dans les Balkans ainsi que dans les pays bordant la Mer noire, que l’on trouve le plus de couleuvres tessellées en Europe. Son aire de répartition globale s’étend à l’Est jusqu’en Chine.
En Suisse, elle n’est naturellement présente qu’au Tessin, au Val Mesocco ainsi que dans la partie méridionale du Val Poschiavo. Des populations introduites illégalement et existant aujourd’hui encore persistent au bord de quelques lacs du Nord de la Suisse. De rares observations au bord de certaines rivières, en dehors de leur aire naturelle de répartition, sont également à mettre sur le compte de lâchers illégaux, qui ne sont pas acceptables d’un point de vue écologique.
Cette espèce habituée à la chaleur ne monte pas beaucoup en altitude. Au-dessus de 500m, on ne la trouve plus que rarement. L’observation la plus haute connue actuellement est située à 880 m d’altitude.
Mesures de protection
Le plus grand danger menaçant la couleuvre tessellée est la destruction progressive de ses habitats, que ce soit des biotopes très étendus ou de petites structures. Durant ces dernières décennies, les rivières et ruisseaux ont été canalisés sur des kilomètres, des fossés de moyenne importance ont été remblayés, de nombreux étangs et petits plans d’eau ont disparus. L’assainissement moderne de vieux murs proches des rives a un effet particulièrement néfaste. Des ouvrages de consolidation des rives, construits selon les règles de l’art durant des dizaines d’années et devenus «écologiques», sont remplacés ou scellés par du béton «stérile», faisant ainsi disparaître non seulement les populations existantes mais aussi les éléments de base pour la survie des populations futures.
D’autres menaces existent, comme les activités de construction dans les zones proches des rives, les inondations de longue durée peu avant ou pendant le repos hivernal, le manque de cachettes et de places ensoleillées ainsi que de sites d’hivernage et de ponte, les nuisances dues aux activités de baignade et aux bateaux, etc. Aucune étude n’a encore examiné dans quelle mesure toutes sortes de substances toxiques qui s’accumulent dans les organes internes via la chaîne alimentaire agissent sur la vitalité. On n’en sait pas plus sur les fluctuations de populations causées par des maladies (p.ex. des parasites). Le fait que de petits habitats avec une faible densité d’individus soient isolés pourrait aussi avoir des effets négatifs.
Afin de sauvegarder à long terme cette espèce fortement menacée en Suisse, les mesures urgentes qui suivent sont nécessaires :
- Protection de toutes les populations restantes encore intactes ainsi que de leurs habitats. En première priorité, il faut mettre sous protection les biotopes naturels ou proches de la nature, les aménager pour qu’ils répondent aux exigences de l’espèce et les entretenir.
- Maintien de petites structures (avant tout les ouvrages de consolidation des rives en pierres).
- Lors de cas urgents d’assainissement, les ouvrages de renforcement et d’aménagement des rives devraient être exécutés autant que possible en accord avec les exigences de l’espèce. Si cela n’est pas possible, il faut mettre à disposition des structures de remplacement à proximité.
- Dans les biotopes existants, l’offre en cachettes et en places ensoleillées devrait peut à peu être augmentée. Les murs de pierres sèches, les tas de pierres et autres petites structures pierreuses sont particulièrement appropriés.
- Dans les sites favorables, des endroits pour la ponte et l’hivernage devraient être mis à disposition. Ceux-ci devraient absolument être aménagés à l’abri des crues. Les tas de crottin de cheval et de sciure sont particulièrement appréciés, mais aussi les tas de feuilles mortes et de petit bois, mélangés à des branches ou à des restes de bois. Dans la mesure du possible, il faut veiller à ce que plusieurs tas soient aménagés. Le danger d’une ponte en masse est ainsi réduit. Les œufs de serpents sont des proies convoitées par toutes sortes d’hôtes non désirés comme le sanglier, le renard ou le putois.
Des herpétologues compétents devraient absolument être consultés pour la planification et la mise en place des mesures de protection.
Habitat
Avec la couleuvre vipérine, la couleuvre tessellée est, en Suisse, l’espèce de serpent la plus fortement liée à l’eau. Les habitats situés très loin des rives ne sont que très rarement colonisés. La couleuvre tessellée se tient de préférence le long d’eaux stagnantes ou au courant lent. Elle peut cependant aussi être observée le long de rivières et ruisseaux plus froids et coulant plus rapidement.
Sa prédilection pour les rives pierreuses est remarquable. On la trouve même le long des rives canalisées en dur, dans les piliers de ponts, dans les consolidations des pentes faites de treillis et de pierraille et autres endroits similaires. On peut l’observer en particulièrement grand nombre le long de vieux murs de pierres sèches bien ensoleillés et d’ouvrages de consolidation des rives des lacs tessinois. En revanche, elle ne trouve presque plus d’habitats naturels, non influencés par l’homme. Les biotopes vraiment vierges ne sont plus présents que le long de certaines rivières situées en altitude, par ex. la Maggia ou la Verzasca. D’autres biotopes sauvages comme les forêts alluviales, les couloirs de hautes herbes, les bas-marais, les étangs, etc. sont plutôt rarement colonisés, et le plus souvent seulement lorsqu’il y a suffisamment de petites structures pierreuses.