Fiche espèce
Statut de menace : en danger (EN)
Priorité nationale : moyenne (3)
Caractéristiques :
- Grande taille, allure vigoureuse
- Tête large et plate
- Peau granuleuse sur la face supérieure
- Longs doigts
- Queue souvent munie d'une bande de couleur perle
- Ventre jaune, avec de grandes taches noires bien nettes
- Mâles: Crête dorsale, nettement séparée de la nageoire caudale
- Femelles: Pas de crête dorsale
- Triton crêté: Pigmentation brun foncé, souvent presque noire, avec des tâches circulaires sombres. Tête et flancs avec points blancs
- Triton crêté italien: Pigmentation grisâtre ou brunâtre avec des tâches circulaires sombres. Tête avec des points blancs
Confusions possibles: Entre les deux espèces, la distinction peut être difficile
Description
Dès le premier coup d’œil, on comprend pourquoi le triton crêté porte ce nom. A la saison des amours, le dos et la queue du mâle s’ornent en effet d’une crête impressionnante, fortement découpée, qui lui confère l’allure d’un petit dragon. Le dos et les flancs sont de couleur brun foncé à noir et sont parsemés de taches noires rondes. Les flancs portent de petits points blancs. Les côtés de la queue sont caractérisés par une bande nacrée, bien visible dans l’eau. La femelle est bien plus discrète, car elle ne porte ni crête, ni bande caudale nacrée, ni taches noires sur le dos et les flancs. Avec sa longueur entre 12-18 cm, elle est généralement plus grande que le mâle, qui atteint 10‑16 cm. Les deux sexes ont la face ventrale jaune clair à rouge-orangé, avec des taches et des points noirs. Le dessin varie d’un individu à l’autre. Hors de la période nuptiale, les individus sont noir, parfois jusqu’au ventre, et la crête est bien plus petite. Chez la femelle, le cloaque et la partie inférieure de la queue restent de couleur jaune-orangé, ce qui la distingue du mâle.
Le triton crêté italien ressemble étroitement au triton crêté. Il s’en distingue principalement par une coloration des flancs et du ventre plus étendue et moins différenciée. Ils n’ont pas de petits points blancs sur les flancs. Par ailleurs, la tête est plus fine et les pattes plus robustes. Enfin, la crête du mâle est moins prononcée.
Mœurs
Les moeurs des deux espèces sont analogues. Dès fin février - début mars, ils quittent leurs quartiers d’hiver pour gagner les plans d’eau de reproduction.
Les mâles arrivent dans les plans d’eau quelques jours avant les femelles et se mettent à la recherche de bons emplacements pour leur parade. De petits groupes de mâles se disputant les faveurs des femelles se forment alors. La parade nuptiale du mâle est spectaculaire et complexe. Lorsqu’une femelle approche, il va placer devant elle son corps incurvé comme un arc. Il ondule alors de tout son corps, de manière à mettre en valeur sa crête largement déployée. Il agite en outre sa queue de manière à diriger ses sécrétions odorantes vers la femelle, à laquelle il assène parfois quelques puissants coups de queue. Si la femelle se montre séduite par ce cérémonial, le mâle va se détourner de quelques pas et déposer un paquet de semence sur le fond. La femelle, de son côté, suit le mâle, saisit ce paquet de semence par l’ouverture cloacale et la conserve dans une poche interne destinée à cette fin. Deux à trois semaines plus tard, la femelle se met à déposer les œufs fécondés un par un, enroulant une feuille avec ses pattes postérieures et y collant l’oeuf. La femelle mettra plusieurs semaines à déposer ainsi quelque 200 à 400 œufs.
L’accouplement et la reproduction demandent beaucoup d’énergie, et les tritons crêtés ont donc besoin d’importantes ressources alimentaires. Prédateurs éclectiques, ils adaptent leur alimentation en fonction des proies présentes et de leur taille. Outre des petits crustacés et des vers, ils s’attaquent aussi à des proies de plus grande taille comme des sangsues ou des escargots. Les œufs et larves d’autres espèces d’amphibiens figurent également en bonne place au menu du triton crêté, y compris ceux du crapaud commun, évités par les autres espèces de tritons. Une fois la saison de reproduction terminée, en mai, les tritons crêtés demeurent encore deux à trois mois dans le plan d’eau, afin de constituer des réserves de graisse en vue de l’hiver et du printemps suivant.
Les tritons quittent l’étang entre mi-juillet et mi-septembre, pour gagner les habitats terrestres. Bien qu’ils puissent parcourir plusieurs centaines de mètres, ils restent le plus souvent à quelques mètres seulement du plan d’eau. Leur vie terrestre est plutôt méconnue. Les tritons crêtés sont le plus souvent nocturnes, passant la journée terrés sous des blocs, dans des tas de cailloux, sous des racines, des souches ou des tas de bois. Ils ne s’alimentent probablement que très modérément durant cette période. A la fin de l’automne, ils gagnent les lieux d’hivernage, souvent par groupes, pour y rester engourdis jusqu’au printemps.
Après la pose par la femelle des oeufs dans les feuilles, il faut attendre deux bonnes semaines avant de voir éclore les petites larves longues d’environ 10 mm. Une mortalité d’origine génétique est observée à ce stade du développement. Une disposition particulière de la plus grande paire chromosomique provoque la mort d’exactement 50 % des larves avant-même l’éclosion. Celles qui éclosent croissent rapidement. Après trois à quatre mois, les branchies disparaissent et la métamorphose survient alors que les larves mesurent entre 45 et 70 mm de long.
Etant donné que la rapidité du développement larvaire n’est pas uniforme, on observe des jeunes métamorphosés quittant l’étang jusqu’en novembre. Comme les larves du triton crêté se tiennent souvent en pleine eau, elles sont souvent la proie des larves d’insectes et des poissons. Ainsi, à peine 5% des larves écloses atteignent la métamorphose et quittent l’étang. La plupart des juvéniles retourneront dans l’étang natal dès le printemps suivant, mais ce n’est qu’à l’âge de deux ou trois ans qu’ils atteindront la maturité sexuelle et pourront se reproduire à leur tour.
Répartition
Le triton crêté est présent dans toute l’Europe centrale ou presque, du milieu de la France jusqu’à l’Oural, ainsi que de l’Ecosse et de la Scandinavie jusqu’aux Balkans, en passant par le versant Nord des Alpes. En Suisse, on le trouve au Nord des Alpes, jusqu’à une altitude de 1'100 m. Il n’habite l’ouest, le nord et le centre du pays que de manière ponctuelle, alors qu’il occupe encore des régions étendues et de nombreux sites dans le nord-est de la Suisse. On compte environ 300 plans d’eau hébergeant l’espèce dans l’ensemble du pays.
Le triton crêté italien est présent en Italie, en Basse-Autriche et au Tessin, où il n’est pas rare de le trouver jusqu’à une altitude de 1'200 m. Il a en outre été introduit dans la région genevoise, où il a supplanté le triton crêté. On connaît actuellement une quarantaine de populations de l’espèce en Suisse.
Mesures de protection
L’effondrement des populations de triton crêté, dont environ la moitié des effectifs connu a disparu ces 25 dernières années, en fait une espèce fortement menacée. Quelles sont les causes de cette régression ?
Le triton crêté vit dans des régions avec une forte densité de plans d’eau. La destruction et la dégradation des plans d’eau et des habitats terrestres sont ainsi les principales causes de la diminution des sites à tritons crêtés.
Les vastes complexes humides incluant des plans d’eau diversifiés se sont particulièrement raréfiés. Les dernières populations intactes du triton sont souvent modestes et très isolées les unes des autres, ce qui augmente le risque d’extinction. L’empoissonnement des étangs est une menace supplémentaire, les poissons présents en grand nombre étant susceptibles d’anéantir une population de tritons crêtés en décimant leurs larves.
Les mesures de protection découlent des menaces mentionnées. Les sites à tritons crêtés existants doivent impérativement être protégés et entretenus. Ceci nécessite la coupe régulière de la végétation, afin de contrôler l’atterrissement et l’envasement de l’étang. L’assèchement temporaire de l’étang en hiver permet de supprimer les poissons indésirables. La protection ne doit pas se limiter à des plans d’eau de reproduction individuels, mais s’étendre à la totalité des régions riches en plans d’eau et comprenant plusieurs populations de tritons crêtés, en incluant leurs habitats terrestres. La création d’étangs isolés, non inclus dans un réseau de plans d’eau, débouche rarement sur leur colonisation spontanée par le triton crêté, et représente donc une mesure de moindre intérêt pour cette espèce.
Habitat
Les tritons crêtés vivent tout particulièrement dans les bras de rivières morts et les mares de gravières situées dans les zones alluviales. Des plans d’eau plus importants dans des complexes marécageux sont également colonisés. Ils préfèrent les étangs vieux de 10 à 30 ans, profonds d’un demi-mètre, riches en végétation aquatique et présentant une couche de vase assez mince et bien décomposée, et exposés, au moins partiellement, au soleil.